ARTILLERIE DE CAMPAGNE 1914-1918
Les canons d’artillerie de campagne représentèrent les matériels les plus nombreux qui aient été mis en service au cours de la Grande Guerre. Ils avaient été concus pour prendre part à des opérations relativement mobiles, comme celles du siècle précédent pendant lesquelles d’importantes formations se déplacaient sur le champ de bataille avec l’appui de leur artillerie. La situation qui s’imposa lors du premier conflit mondial ne permit pas la répétition de ce type de manoeuvres. Après une brève période où le déroulement d’opération en terrain découvert prévalut encore, la guerre des tranchées ne tarda pas à s’instaurer sur l’ensemble du front.
La puissance de feu du nouveau canon 75 mm amena l’infanterie à s’abriter dans des tranchées, mais elle ne pouvait venir à bout des organisations défensives. Seul l’obusier avait une certaine efficacité contre des objectifs de cette nature, grâce à son angle de hausse élevé et à la trajectoire déscendante quasi verticale de ses projectiles, qui permettait d’atteindre l’intérieur des tranchées ennemies, et encore fallait-il faire intervenir de gros calibres pour obtenir de réels résultats. Les armées disposaient cependant d’un grand nombre de canons et d’obusiers légers et elles durent s’en servir, en dépit de leurs insuffisances.
Canon de 60 lbs en action pendant la campagne des Dardanelles en juillet 1915. Ces grosses pièces devaient être mises en batterie à bras d’hommes, mais une fois installées, elles présentaient un intérêt indiscutable en raison du poids et de la portée de leurs projectiles. Cette photo montre le tube dans sa position de recul maximale.
C’est matériels n’avaient qu’un intérêt limité, même contre des installations défensives mal protégées, surtout au début du conflit. Les munitions ne comprenaient alors que des obus Sharpnel destinés à un emploi contre le personnel à découvert, mais sans effet sur un emplacement de combat enterré ni sur les réseaux de barbelés. C’est pourquoi les projectiles à charge explosive les remplacèrent.
Comment expliquer l’importance du volume de l’artillerie de campagne à la disposition des armées de l’époque? La réponse vient sans doute de ce que les moyens de production et les efforts des pays avaient continuellement été orientés vers la recherche d’un moyen quelconque pour effectuer une percée stratégique. Celle-ci une fois réalisée, l’artillerie de campagne devait être engagée alors que l’artillerie de siège mise en oeuvre sur l’ensemble du front serait maintenue en place à l’arrière. En outre, la priorité accordée à la production de canons d’artillerie de campagne s’explique d’autant mieux que la fabrication d’armes plus lourdes exigeait beaucoup plus de temps et d’argent.
Canon d’artillerie de campagne de 18 lbs britannique tirant dans les conditions typique du front occidental au cours de la bataille du pont de Pozières, vers la fin juillet 1916. Le tas de douilles consommées donne une idée du volume de feu qu’un canon était appelé à entretenir pendant des jours.
L’ÉPOPÉE DU 75
Le canon qui devait être connu dans le monde entier sous le nom de (75) trouva son origine dans un projet de l’armée francaise datant des années 1890. Les canons à chargement par culasse étaient courants à l’époque, mais ils souffraient d’un handicap qui affectait les matériels d’artillerie depuis l’usage de la poudre noire: l’effet de recul provoquait leur sortie de la position de batterie après chaque départ d’un projectile, et il fallait le réinstaller avant de tirer le coup suivant. Il suffisait de trouver un moyen d’amortir le recul et devenait alors possible d’augmenter la cadenc de tir, les opérations de remise en batterie étant suprimées. La solution paraissait résider dans l’utilisation d’un système hydrolique, comme celui mis au point par une firme allemande, qui consistait à faire déplacer dans un liquide de forte viscosité un piston relié au tube de la pièce et à absorber ainsi les forces de recul.
Le 75 mle 1897 servaient aussi de canon antiarien monté sur affût fixe ou mobile. Cette version est servie par des artilleurs américains nouvellement débarqués qui durent percevoir des matériels français à leur arrivée.
Les Français trouvèrent la réponse les premiers pour l’utilisation sur les pièsces légères. Leur solution s’inspira de l’idée allemande du piston se mouvant dans un fluide ; ils réduisirent seulement les dimensions du dispositif et aménagèrent des orifices dans le piston pour permettre le passage d’un mélange d’eau et de glycérine à une vitesse lente et régulière. Le résultat se révéla si efficace que l’effet de recul n’était plus, ou pratiquemnt plus, transmis à l’affût. C’est ainsi que naquit le mle 1897, que les Franàais couvrirent aussitôt du secret le plus strict. Personne. À l’exclusion des utilisateurs désignés, n’avait l’autorisation de voir l’arme et les artilleurs eux-mêmes n’avaient pas une idée précise du fonctionnement du nouveau système.
Artilleurs britanniques observant une batterie française tirant au 75 mle 1897 près de Domart, en avril 1918. Ce canon avait une cadence de tir très rapide, mais ses obus trop légers ne faisaient qu’érafler la surface du sol.
Le canon de 75 avait acquis sa réputation dès avant 1914. Pour caché l’importance des échecs de la bataille des frontières certains propagandistes français inculguèrent dans les esprits l’idée que le 75 avait sauvé la France. Le public se laissa convaincre et le 75 devinrent presque aussitôt pour lui l’objet d’une vénération. Des chansons vantèrent le canon, et les médias employèrent tous les moyens pour entretenir et répandre cette croyance. Des bijoux et des insignes représentèrent l’image du canon, et c’est ainsi que naquit une légende.
Une assistance attentive observe un 75 mle 1897 en action près de Steinbach. Les canonniers ont creusé une fosse pour y loger la flèche de l’affût et donner ainsi au tube un angle de site plus élevé afin d’accroître la portée.
Le fameux 75 francais devait permettre de remporter la victoire, avait-on déclaré avant 1914. Cette pièce légère et facile à mettre en batterie se distiguait surtout par sa cadence de tir de 28 coups/mn inégalée. Cette supériorité provenait de l’adoption d’un nouveau frein de recul qui renvoyait le tube à sa position initiale après chaque coup. Mais les obus tirés par ce canon avaient un poids insuffisant pour les conditions qui prévalaient en 1914 sur le front occidental, et leurs trajectoires étaient trop tendues pour atteindre des positions enterrées. Les Français détenaient cependant un grand nombre de 75 qu’ils utilisèrent tout au long de la Première Guerre mondiale, et longtemps après.
Quand le conflit éclata en septembre 1939, les 75 disponibles étaient bien souvent encore munis de leur affût d’origine et de leur roues à rayon de bois ; seuls quelques rares nouveaux modèles avaient été construitd, les enciennes versions antiaériennes attendaient, installées sur leur cadres pointé vers le ciel ou sur leurs camions de la Première Guerre mondiale. Certains 75 équipaient les forts de la ligne Marginot, et d’autres munis de tubes courts, constituaient l’armement principal des chars. Tous ces 75 ne purent cependant tenir tête aux vagues de Panzer qui balayèrent la France au mois de mai 1940. Des stocks impressionnants de matériel de guerre francais de toutes sortes tombèrent entre les mains de la Wehrmacht. Parmis lesquels se trouvaient des 75, que les Allemands utilisèrent pour le mur de l’Atlantique et pour doter certaines unités de garnison de France et d’ailleurs. Ils en firent en outre, un engin antichar en 1942, lorsque leurs propres canons ne parvenaient plus à percer le nombre croissant des T-34 soviétiques.
Photographie du mle 1897 prise avant 1914, à l’époque où les Français pensaient mener des combats offensifs en terrain découvert. Les opérations de 1914 amenèrent les troupes à s’enterrer, et le 75 ne pouvait plus les atteindre.
Cet élément de batterie de canons mle 1897 de l’armée française est mis en position près d’Elberfeld en 1915. Au bout de quelques mois, les pièces durent s’abriter dans des tranchées, lorsque le front occidental se durcit et que les feux de l’artillerie s’intensifièrent.
Il faut noter qu’avant de s’en servir les artilleurs allemands décidèrent de munir le tube des pièces récupérées d’un frein de bouche et d’un collier de renforcement. Ils fabriquèrent aussi une nouvelle munition perforante et le 75 prit l’appelation de 7,5 cm Pak 97/38, le nombre 38 indiquant le type de l’affût Pak 38.
Dans l’intervalle de 75 faisait son chemin de l’autre côté de l’Atlantique. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les Américains en avaient mis au point la fabrication et l’avait adopté pour leur artillerie. Ils s’en inspirèrent, en outre, pour réaliser de nombreux projets. À la fin des années trente, par exemple, lorsqu’ils voulurent se doter d’un canon de char, ils prirent le 75 sans pratiquement le changer.
L’ENFER DE VERDUN EN PHOTOS
L’artillerie a joué un rôle majeur au cours de la Première Guerre mondiale. Nulle part ailleurs sa puissance ne fut aussi évidente que lors de la bataille de Verdun, ce gigantesque hachoir où le haut commandement allemand voulait saigner l’armée française à blanc.
Un canon de 120 mm phoptographié au moment du tir. Cette pièce possédait une cadence de tir relativement faible.
Des canons de la DCA de 75 mm montés sur des affûts mobiles, très utiles pour abattre les avions d’observation d’artillerie ennemis.
Pour contrebattre les pièces allemandes, il faut faire appel aux canons de marine, ici, une redoutable arme de 155 mm a pris place sur un affût fixe pour effectuer un bombardement.
Appelés en hâte jusqu’aux premières lignes installés rapidement dans des positions de fortune, les 75 tiraient en continu sur l’ennemi, sans tenir compte du contre-feu allemand.
Une pièce de marine de 138,6 mm s’apprête à ouvrir le feu contre des positions allemandes pour faciliter une contre-attaque locale.
Une pièce de siège de 220 mm à tir courbe caché dans un abri proche des premières lignes. Ces armes, du fait de leur manque de portée, étaient particulièrement vulnérables aux tirs de contrebatterie effectués par les Allemands.